La radioactivité est-elle un danger pour l'Homme ? |
Bien que d'autres incidents concernant l'activité nucléaire aient déjà eu lieu, Tchernobyl tient aisément le haut de l'affiche médiatique jusqu'à devenir un symbole des risques nucléaires. Régulièrement, l'accident apparaît dans les pages « santé » ou « environnement » des quotidiens ; à la une le problème des cancers de la thyroïde, la contamination des champignons, l'existence des sangliers radioactifs. L'intérêt porté à cet accident rend utile de dresser un bilan quant aux conséquences médicales et sanitaires de cet accident.
Contrairement à la plupart des réacteurs des pays occidentaux, le réacteur de Tchernobyl n'avait pas d'enceinte de confinement. Une telle structure aurait empêcher les produits radioactifs de s'échapper du site.
L'émission de rejets radioactifs a duré 10 jours. Ce n'est qu'un jour et demi après l'explosion que 50000 personnes habitant une zone de 30 km de rayon autour de la centrale sont évacuées ; au final, 350000 personnes d'Ukraine et de Biélorussie ont dû être déplacées depuis des zones plus lointaines, mais copieusement contaminées cependant. Au delà de 10000 mètres d'altitude, les éléments radioactifs ont formé au contact des vents des masses d'air contaminées qui se sont disséminées sur l'Europe. Parce que le rejet s'est effectué sur plusieurs jours sous des conditions météorologiques changeantes (les vents en altitude), trois principaux nuages se sont formés : - le nuage initial poussé par un vent sud-est et nord-ouest s'est d'abord dirigé vers la Scandinavie ; - ensuite les particules ont été émises vers le sud-ouest (Europe centrale et occidentale) - vers la fin du rejet, les matières radioactives ont pris la direction de l'Europe du sud. C'est durant le mois de mai que cette grande quantité d'éléments radioactifs est retombée sur l'Europe. Le nord de l'Ukraine, la Biélorussie (70% des retombées) ont été les régions les plus contaminées. La Pologne et la Tchécoslovaquie ont été particulièrement contaminées aussi et à un degré moindre l'Allemagne, la France et l'Italie. En règle générale, plus on s'éloignait du site de Tchernobyl, plus la radioactivité diminuait en raison de la dilution dans l'atmosphère des radioéléments. Mais ce nuage radioactif qui a survolé l'Europe a provoqué des contaminations de niveau variable pas seulement selon la distance et la direction des vents, mais aussi selon les précipitations. En effet, le dépôt de particules radioactives a été intensifié par la pluie, provoquant ainsi des " taches " de contamination. Ce sont les radioéléments les plus volatiles qui se sont majoritairement retrouvés dans le nuage radioactif : - Notamment l'iode 131 (de période courte 8 jours) responsable d'une grande partie de l'exposition aux rayonnements de la population durant les premières semaines, dont environ 5 . 1017 Bq ont été émis, ce qui représente quelque 20% de l'activité présente dans le cœur du réacteur. - Viennent ensuite le césium 137 (de période longue 30 ans) et le césium 134 (de période 2 ans). Le césium 137 est responsable de la majeure partie des expositions actuelles et futures de la population ; environ 7. 1016 Bq de césium 137 ont été émis, soit environ 15% de l'activité présente dans le cœur du réacteur (la carte des dépôts de césium 137 sur l'Europe est disponible en cliquant ici). - On trouve ensuite d'autres éléments (strontium 90, plutonium 239, ...) beaucoup moins volatiles et pour lesquels, de ce fait, les activités émises ont été beaucoup plus faibles.
4. Effets de la catastrophe sur la santé de l'homme
Qui a souffert de ces radiations ? D’abord les « liquidateurs » : selon les estimations, 600000 à 800000 soldats et fonctionnaires ont été expédiés sur place juste après l’explosion pour neutraliser le réacteur et enterrer les déchets contaminés. Sur les 50000 de ces « liquidateurs » qui ont travaillé sur le toit du réacteur, 237 ont été hospitalisés et 32 sont décédés. En avril 2000, Viacheslav Grishin, président de la Ligue de Tchernobyl, une organisation basée à Kiev qui dit représenter les « liquidateurs », déclarait que depuis 1986, 15000 d’entre eux étaient morts et 50000 devenus invalides. Il s’appuyait sur une estimation controversée de Tchernousenko basée sur le taux de cancers lié aux quantités de radiations auxquelles le chercheur ukrainien supposait que les « liquidateurs » avaient été exposés. a) Iode-131 et les pathologies thyroïdiennes L'iode radioactif augmente la fréquence des cancers, des nodules et des hypothyroïdies. Fait indiscutable lié à l’accident de Tchernobyl : l’augmentation considérable d’un facteur 10 à 100, depuis 1990 du taux naturel de cancer de la thyroïde. Une fréquence accrue notamment chez l’enfant de moins de 15 ans, en Biélorussie, au nord de l’Ukraine et dans le sud de la Russie. Au banc des accusés : l’iode radioactif incorporé dans l’organisme. Cet élément se fixe préférentiellement dans les cellules de la thyroïde. La fixation est d’autant plus grande pour une population présentant une carence alimentaire en iode.
En 1996, en Ukraine et en Biélorussie, 800 cas de cancers de la thyroïde ont été identifiés chez les enfants. Les premiers cancers de la thyroïde sont apparus en 1989, la période de latence étant au minimum de 3 ans et pouvant s'étirer jusqu'à 15 ans. Selon le professeur Anatolievitch (directeur de l'institut endocrinologique national à Kiev), le pic de la maladie est à attendre à partir de 2002. 1800 cas de cancer de la thyroïde attribués à Tchernobyl ont aujourd’hui été recensés. Dans les régions les plus contaminées, comme à Gomel (Biélorussie), cette pathologie est 200 fois plus courante chez les enfants qu’en Europe de l’Ouest. b) Mutations génétiques et malformations Les enfants issus de familles exposées aux retombées radioactives de Tchernobyl présentent un taux de mutations génétiques deux fois plus élevé qu'une population témoin de Grande-Bretagne, selon une étude publiée dans la revue scientifique britannique Nature. L'étude a porté sur 79 familles habitant la région hautement polluée de Mogilev (Biélorussie), à 300 km de Tchernobyl, et leurs enfants nés entre février et septembre 1994. 105 enfants britanniques, non-irradiés, ont servi de groupe de comparaison, pour cette recherche conduite avec des chercheurs d'ex-URSS de Mogilev et de Moscou à partir de prélèvements de sang. Ces mutations affectent la ligne germinale, c'est-à-dire qu'elle représente des dommages permanents de l'ADN transmissibles à la descendance, selon Nature.
c) Césium 137 Le césium 137 a la particularité de ressembler chimiquement au potassium. Aussi, comme ce métal, se fixe-t-il facilement dans les tissus mous (muscles, reins, poumons, foie, cœur, ...) ainsi que dans les tissus osseux des enfants. Comme tout corps radioactif, le césium est susceptible, à plus ou moins long terme, d'induire des cancers. En pratiquant des milliers d’autopsies, Youri Bandajevski et son équipe ont montré que le césium 137 s’accumulait dans les tissus musculaires, à commencer par le cœur : 70% des 2000 enfants contrôlés dans la zone très contaminée de Gomel (Biélorussie) souffrent de pathologies cardiaques. La concentration de césium dans les reins provoque des dysfonctionnements graves dès le bas âge. Le césium accumulé dans les muscles de l’œil déclenche des cataractes : en 1997, à Svetlovici près de Gomel, 25% des 13-15 ans étaient touchés. Pendant la grossesse, le placenta des futures mères stocke le césium qui irradie le fœtus et à la naissance, elles nourrissent le bébé avec du lait contaminé. Les pathologies sont variées, comme l'effondrement des défenses immunitaires. De vastes zones de Biélorussie restent encore lourdement contaminées du fait de la longue période du césium 137 (30 ans).
a) En URSS En tout et pour tout, 5 millions de personnes en URSS ont été exposées aux radiations, essentiellement en Ukraine, Biélorussie et Russie. 135000 ont été évacuées et soumises à des contrôles médicaux dans un rayon de 45 km. 850000 personnes vivent encore dans les zones contaminées dans 1500 agglomérations. 119 villages ont été définitivement abandonnés dans un rayon de 30 km autour de Tchernobyl, 3000 km² restant interdits car contaminés à plus de 1600000 Bq/m² en dépôts de césium 137, essentiellement en Biélorussie. b) En France
Par ailleurs, le risque de cancer de la thyroïde en relation avec les retombées de Tchernobyl est faible. L'ISPN (Institut de Sûreté et de Protection Nucléaire) a calculé pour un enfant de l’est de la France une dose à la thyroïde de 10 mGy à 16 mGy, c’est à dire 10 à 1000 fois plus faible qu’une irradiation médicale. L’augmentation du nombre de cancer de la thyroïde serait plus liée au progrès de dépistage. En effet, un nodule thyroïdien n’est décelé cliniquement que dans 4 à 7% des cas pour les populations où la carence alimentaire en iode a été corrigée (cas de la France). Cependant, la Corse a été fortement touchée par les retombées de Tchernobyl. En ce qui concerne l'iode 131 radioactif, on aurait pu protéger la population sans inconvénient économique important puisque, du fait de sa courte période (8 jours), il aurait suffit de transformer toute la production du moment en lait UHT à consommer plus tard pour se protéger de l'iode 131 concentré dans le lait. Rien n'a été fait pour ne pas affoler la population. On sait aujourd'hui que des enfants corses ont des problèmes thyroïdiens mis en évidence par le docteur Lefauconnier qui, avec la CRII RAD, incrimine le nuage de Tchernobyl.
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